Être un artisan du Chi … mais que se passe t’il réellement dans notre pratique?
Qu’expérimentons nous lorsque nous appliquons les fruits de ces connaissances et expériences sur le corps et le Chi accumulées par ces chercheurs d’extrême orient?
Au début quelque chose comme ce que dit ce témoignage d’une élève* : “Le coup de foudre n’a pas eu lieu tout de suite. Faire, refaire et refaire encore les mouvements… et puis un beau jour, j’ai compris ce qu’était le Chi. J’ai ressenti cette chaleur douce mais forte qui circule dans les mains, cette présence dans tout le corps et entre les personnes du cours. Plus tard encore, j’ai compris l’importance du Tan Tien, ce pilier, cette force nichée au creux du ventre.”
Ensuite nous travaillons pour que la main soit directement reliée au Tan Tien par le Chi et ce, de manière effective. Il y a très très peu de temps, comparé aux 2500 ans déjà effectués de recherche sur le Chi, a été découvert en occident le 2ème cerveau : celui du ventre. Pour nous, pratiquant de Tai Chi et Chi, il s’appelle le Tan Tien et est certainement le 1er cerveau par son importance à nous ancrer dans le courant de vie. Sentir que quand on bouge la main cela influence le Tan Tien n’est pas très difficile, mais accéder à la capacité de bouger la main à partir du Tan Tien, grâce au Chi, prend un peu plus d’entrainement et de temps, parfois beaucoup plus.
Concrètement, il faut un Tan Tien bien travaillé et des mains souples et sensibles.
Il s’agira de “contracter” le Tan Tien et prendre appui dessus pour envoyer une quantité de Chi vers les mains, et en même temps, laisser à la main une certaine liberté pour qu’elle nous envoie les signaux qui nous guideront vers la manière adéquate de faire le mouvement, en accord avec le moment et les circonstances.
Et alors tout se passe comme si ça n’était plus les muscles qui faisaient l’action mais directement le flux chaud et plein qui les traverse du Tan Tien aux mains.
Ressenti par le pratiquant ce type de mouvement donne des effets intérieurs bien différents de ceux obtenus par un mouvement conduit comme on en a généralement l’habitude. Le mouvement m’engage entièrement, je suis une autour de mon centre, il va de moi vers l’extérieur. Il semble plus évident, plus adéquat et moins contrôlé. Je laisse libre court à d’autres possibilités ou possibles. Une sorte de vent frais anime alors la posture, comme si la main montrait à notre esprit un chemin plus proche de l’essentiel.
Du coup pourquoi ne pas vivre cela dans un geste du quotidien ?
Prendre une tasse de thé par exemple. Ce qui a donné le rituel traditionnel de la cérémonie du Thé au Japon considérée comme un art du Chi et du corps. Et, en très très résumé, c’est devenu la voie du thé, qui est un des nombreux chemins qui existent pour atteindre l’accomplissement, la sérénité spirituelle, comme la voie du Chi et du Tai Chi.
Mais il existe des applications plus quotidienne et moins spectaculaires :
– choisir un fruit en sentant son Tan Tien et sa main, sans réfléchir, et le prendre quand ça dit oui (c’est aussi un entraînement)
– se recharger en ville, quand j’habitais à Paris, j’avais repéré sur mes parcours habituels des coins de rue, des porches, certaines statues, certains arbres, certains bâtiments qui me faisaient cet effet “oui” et je me rechargeais ainsi. Parfois ça disait “non” pour ces mêmes endroits, j’ai appris à obtempérer sans chercher à comprendre pourquoi car lorsque je passais outre, ces fois là, je me vidais.
– choisir l’artisan qui va construire sa maison en lui serrant la main et en sentant si ça dit “oui”
– etc… etc…
comme toujours on peut se tromper, et corroborer son choix avec des infos rationnelles n’est pas exclu de cette démarche mais elle ouvre le champs des possibles et a le grand avantage de nous connecter mieux et plus souvent avec l’élan de vie.
Revenons au Tai Chi
Bien sûr, tout le travail de l’enracinement, des circulations du Chi, de l’effort centré, de la bonne coordination en diagonales…etc joue aussi son rôle dans l’accomplissement d’une posture. Mais si, ici, je m’attache uniquement à cet aspect particulier des mains et de leur relation privilégiée avec le Tan Tien c’est qu’elle est considérée traditionnellement comme primordiale. C’est dans les mains que s’exprime la quintessence du mouvement de Tai Chi. Mon professeur, Vlady Stévanovitch, disait tout le temps : “l’expert ne regarde que vos mains… “
Ainsi développer la sensibilité des mains et leur relation au Tan Tien accroit la relation juste à notre environnement et à notre espace intérieur.
Le geste ou l’action ont lieu comme en dehors du contrôle mental mais dans une grande concentration et parfois on se dit : “Ha! j’ai fais ça?! Je ne l’avais pas prévu! ” et on a le sentiment que c’était exactement ce qu’il fallait faire. Souvent il s’avère qu’effectivement c’était ce qu’il fallait faire. Mais pas toujours! Rien n’est infaillible et tout change tout le temps!
Nicole Bernard
*Extrait de témoignage tiré du site des Quatre Piliers